L’expédition de Jacques Cousteau en Amazonie

En 1982, le commandant français Jacques-Yves Cousteau débarque en Amazonie à bord de la Calypso, le célèbre navire de l’explorateur, pour ce qui deviendra sa plus grande et sa plus complexe expédition jamais entreprise. Pendant environ un an et demi, Cousteau et son équipe vont explorer l’immense forêt amazonienne afin d’y récolter des données qui permettront de mieux comprendre cette région si particulière.

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Jacques Cousteau lors de son expédition en Amazonie Source : https://ondaazul.com.br/curiosidades/sete-curiosidades-sobre-jacques-yve...

La plus grande expédition scientifique en Amazonie

Après des mois de préparation, de recherche de fonds pour financer l’expédition et de démarches administratives pour obtenir les autorisations officielles des différents pays allant être visités, Cousteau et son équipe débarquent finalement sur le plus grand fleuve du monde à la fin du mois de mai 1982. L’expédition Amazonie est la 53ème entreprise par le commandant qui affirma ensuite qu’elle fut également l’une des plus ambitieuses et la plus complexe à mettre en place. Elle se concentre principalement sur l’Amazonie brésilienne et la naissance du fleuve Amazone au Pérou.

Pour couvrir l’ensemble de cet immense territoire, Cousteau envoie des équipes un peu partout.  L’expédition est ainsi divisée en trois grandes parties. Une première équipe, dirigée par Cousteau, est chargée de remonter l’Amazone depuis l’océan Atlantique jusqu’à Iquitos, frontière avec le Pérou. Environ 4000 kilomètres seront ainsi parcourus à bord de la renommée Calypso, qui se verra dotée pour l’occasion, d’une figure de proue réalisée par un sculpteur brésilien, et censée protéger l’équipage au cours de leur voyage en Amazonie. Une deuxième équipe, commandée par le fils de Cousteau, Jean-Michel, a pour mission de remonter jusqu’à la source même de l’Amazone, au sommet de la cordillère des Andes, au Pérou, avant de redescendre ensuite le fleuve afin de rejoindre la Calypso près de Iquitos.

Finalement, la troisième partie, menée par le plongeur Raymond Coll, compagnon de Cousteau, est une expédition routière à travers plus de 10 000 kilomètres de jungle. L’objectif : découvrir les frontières de l’Amazonie brésilienne en se dirigeant jusqu’au Pantanal et aller à la rencontre des chercheurs d’or.

Pour son expédition, Cousteau a attiré des experts du monde entier. Scientifiques, techniciens, représentants officiels du gouvernement, chercheurs brésiliens, membres de l’INPA (Institut National de Recherche de l’Amazonie) mais aussi plongeurs, pilotes, chauffeurs, cuisiniers, photographes, cameramen et guides locaux prennent part à cette incroyable aventure.

La logistique est conséquente. La Calypso représente le quartier général de l’expédition. Sa salle de communication, équipée d’un émetteur-récepteur téléphonique par satellite, permet au commandant de coordonner toutes les opérations. Le navire dispose également d’un laboratoire scientifique qui permet de recueillir et de collecter des données scientifiques sur l’eau, les plantes et les animaux observés tout au long des quelques 4000 kilomètres parcourus par le navire depuis l’océan Atlantique.

Afin d’explorer au mieux la région, les différentes équipes disposent également de plusieurs moyens de transport dont un hovercraft français, idéal pour entrer dans les petits bras de fleuve, les marécages et les terres ouvertes ; un hydravion appelé Papagaio, utilisé pour des missions de reconnaissance ainsi que pour parcourir de grandes distances ; un camion amphibie expérimental à 6 roues motrices, nommé Jacaré, dont le rôle a été primordial dans le voyage vers le Pantanal.

La Calypso possède en plus à son bord un hélicoptère, Felix, ainsi que des bateaux pneumatiques. Elle est également accompagnée de plusieurs bateaux rapides et d’un petit bateau amazonien prénommé Anaconda qui servait de dortoir flottant à l’équipage grâce à ses lits superposés. Finalement, la deuxième équipe, chargée de descendre l’Amazone depuis sa source au Pérou, navigue à bord du bateau Pirarucu.

 

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Camion amphibie à 6 roues utilisé lors de l’expédition routière en Amazonie Source : https://marsemfim.com.br/jacques-cousteau-temos-divida-com-ele/

 Mieux comprendre la mystérieuse forêt amazonienne

Cousteau voulait étudier le fleuve, les animaux, les plantes et comprendre les connexions entre tous ces éléments qui permettent à la vie de fourmiller au cœur de la forêt amazonienne. Après plusieurs mois passés dans la jungle, d’abord lors de la saison sèche puis ensuite pendant la saison des pluies, le commandant en arrive à la conclusion que les pulsations de la vie s’accordent aux pulsations du fleuve. La forêt amazonienne est amphibie et le secret de son exubérance réside au cœur des eaux de la forêt inondée, là où poissons, animaux, plantes et feuillage s’associent pour créer la luxuriance. Le fleuve vient nourrir la forêt dont les sols sont pauvres en nutriments et la forêt nourrit à son tour le fleuve qui s’enrichit alors en nourriture végétale. C’est un cycle continu qui se répète et où la vie s’entretient et s'enrichit elle-même.                  

Parallèlement, l’équipe du fils de Cousteau part chercher la toute première source de l’Amazone. Leur quête les conduit au sommet du mont Mismi, culminant à plus de 5590 mètres d’altitude. C’est la troisième expédition des temps modernes à l’escalader. L’objectif était de trouver le point exact où la neige, qui en fondant, irait ensuite rejoindre le premier filet d’eau qui descend la cordillère des Andes avant de former le fleuve Apurimac : la source principale de l’Amazone. L’un des plus grands fleuves du monde naît ainsi : de petits puits d’eau qui forment peu à peu de petites rivières qui se rassemblent ensuite jusqu’à créer l’immense fleuve Amazone tel qu’on le connaît.

Après plusieurs mois d’expédition, les deux équipes se retrouvent enfin près d’Iquitos. Ensemble, elles ont parcouru les 6400 kilomètres de l’Amazone, effectué des prélèvements tout au long du trajet, analysé la qualité de l’eau grâce à des sondes électroniques et emmagasiné des données de toutes sortes. Cet incroyable périple s’est donc terminé avec une étude détaillée de la composition de l’eau de l’Amazone et de ses affluents ainsi qu’avec une énorme collection photographique d'espèces animales. Au total, plus de 1000 échantillons ont été expédiés dans des laboratoires du monde entier, au Brésil, aux Etats-Unis et encore en Europe. L’expédition aura par exemple permis de révéler qu’il existe dans les eaux du bassin amazonien plus de poissons que dans tout l’océan Atlantique.

Au cours de ces deux années d’exploration, Cousteau et ses équipes ont sillonné la forêt amazonienne dans son ensemble. Ils ont pénétré en profondeur dans cette jungle et ont rencontré les animaux caractéristiques qui peuplent le bassin amazonien tels que le piranha - dont Cousteau dira d’ailleurs qu’il symbolise bien l’Amazonie car il s’agit d’un poisson connu du monde entier mais très mal compris-, le dauphin rose (boto en portugais) ou encore la loutre géante. Grâce à l’intervention et aux connaissances de scientifiques et biologistes, comme par exemple la spécialiste des dauphins d’eau douce, Vera da Silva, Cousteau a pu en apprendre plus sur ces animaux si particuliers. Finalement, cette expédition aura aussi été marquée par des rencontres avec les populations locales qui ont partagé avec Cousteau et ses équipes leur mode de vie ainsi que leurs histoires et légendes sur la forêt amazonienne.

Les scientifiques s’accordent à dire que l’arrivée du célèbre explorateur Jacques-Yves Cousteau fut une étape importante dans la reconnaissance de l'authenticité de la biodiversité en Amazonie. L'expédition du début des années quatre-vingt a été remarquable et a accru l'intérêt du tourisme international pour la découverte du territoire amazonien. Cet extraordinaire voyage a engendré également la création de nombreux documentaires et films sur le sujet.

A l’époque, Cousteau avertissait déjà sur les dangers menaçant l’équilibre fragile de la forêt amazonienne. Il expliquait que les liens d’étroites interdépendances existant entre les espèces qui peuplent l’Amazonie étaient encore mal compris et que la disparition de certaines espèces pourraient avoir de graves conséquences sur la préservation de la forêt.

Il mettait déjà en garde en affirmant que la moitié des forêts primaires avaient déjà disparu et que d’ici à 50 ans l’Amazonie pourrait elle aussi être amenée à disparaître. Et que se passerait-il alors ? Lorsqu’il n’y aura plus de semences pour régénérer la forêt et plus d’animaux pour disséminer les graines ?

Aujourd’hui, presque 40 ans après, la situation de la forêt amazonienne continue d’alarmer. L’importance de sa préservation est certes désormais sur le devant de la scène internationale, néanmoins, beaucoup de chemin reste encore à parcourir afin d’espérer inverser la tendance actuelle